Alors que la campagne des antivaccins bat son plein, sur le fondement d’une attaque aux libertés individuelles, il faut s’interroger sur ce qui fait la véritable liberté individuelle et sur la part de responsabilité que chacun doit assumer pour faire face aux défis collectifs auxquels nous sommes confrontés.
Le 12 juillet le Président de la République annonçait à tous les Français sa décision de favoriser une accélération de la campagne vaccinale, notamment par des mesures d’incitation et d’obligation à la vaccination. 5 jours plus tard, ce sont près de 114.000 manifestants à travers la France qui marchaient contre ces décisions. Sur les réseaux sociaux, la scène publique française semble déchirée par ce débat.
Certains mécontents sont déjà « antivaccins » par conviction et ne supportent pas, de ce fait, les mesures prises par l’exécutif. Cependant tous ne sont pas radicaux, certains ont simplement peu de confiance envers un dispositif médical mis en place en si peu de temps. C’est aussi en partie un manque de confiance général dans les élites qui semble motiver les réticences à la vaccination.
Désormais, l’émulation sur le sujet sur les réseaux fait plus de bruit que les propos de la communauté scientifique. Très vite la sphère des réseaux sociaux française a été débordée de comparaisons douteuses mais qui n’en sont pas moins violentes. Qu’est-ce que ces comparaisons avec les totalitarisme passés peuvent vraiment apporter à la réflexion ?
Revenons sur le principe de liberté personnelle, argument clefs de ceux qui refusent le vaccin. Ces derniers appréhendent leur sphère privée comme une entité inaliénable que l’Etat a pour mission de protéger sans tenter d’y intervenir. Parviennent-ils réellement par leur refus du vaccin à réaffirmer de tels droits inaliénables ? Si l’on calcule de manière purement utilitaire l’impact des vaccins, on note que non seulement le principe d’immunité collective est le moyen le plus sûr d’enrayer l’épidémie, mais aussi qu’au niveau personnel l’individu a beaucoup plus de risques de mourir du Covid que d’avoir de sérieuses conséquences dues au vaccin. Pourquoi persiste alors ce rejet de la solution vaccinale ?
Cette dynamique de rejet constitue un problème sociétal sérieux, au delà de toute considération morale. Nous sommes bien confrontés à 2 phénomènes qui sont l’un et l’autre inquiétants.
Le premier concerne donc ce manque de confiance exacerbé d’une part de la population envers les autorités compétentes.
Le second mérite toute notre attention : l’incapacité de certains à juger de leurs intérêts en fonction du collectif auquel ils appartiennent. Ceux qui refusent le vaccin ne se pénalisent pas seuls, puisque pour que le vaccin fonctionne, il faut que tout le monde s’y mette pour faire jouer l’immunité collective. Pour le dire autrement, Il faut que tout le monde paie sa part. Mais tous ne se sentent pas forcément responsables des problématiques collectives auquel l’État doit tenter de faire face.
La responsabilité collective est entachée par des comportements individualistes qui refusent d’inscrire l’action personnelle au sein d’un horizon commun. Alors il faut protéger les libertés individuelles, bien sûr, mais la liberté de se faire vacciner et de pouvoir concrètement aider à la protection collective contre le virus n’est-elle pas aussi à mettre en avant ? A la lumière d’une telle comparaison, nos compatriotes antivaccins ne doivent pas oublier que la liberté individuelle réelle s’inscrit toujours dans un contexte de liberté collective.
Les antivaccins portent en fait une vision dévoyée de la liberté, et si la sphère privée était déjà ardemment défendue par Benjamin Constant, un des fondateurs de notre modèle constitutionnel, il n’empêche que le pacte social républicain repose sur un socle d’accords censés viser aux plus grandes libertés collectives, seules à même de permettre le respect des libertés individuelles. Car concrètement, qui sera privé de libertés réelles quand il faudra reconfiner faute d’une couverture vaccinale suffisante ? Et quelle liberté d’autrui respecte-t-il, celui qui refuse d’agir pour ne pas mettre ses pairs en danger, alors qu’il en a les moyens ?
Manque de civisme ou de solidarité, peut-être ; mauvaise compréhension de la liberté collective et de sa nécessité pour le respect des libertés individuelles, très certainement. Le danger ne réside pas seulement dans l’émulation des peurs irrationnelles qui trouvent un terrain privilégié sur les réseaux numériques ; ni seulement la remise en question des élites compétentes en matière scientifique. Le vrai danger est plus profond et, s’il est mis en valeur par la question des antivaccins, il nous informe sur les failles profondes de notre démocratie : c’est que les peurs individuelles soient à même d’empêcher les objectifs du pacte social ; c’est le profond manque d’horizon collectif qui se dessine dans nombre de comportements individuels.
Si les conditions de la liberté collective se trouvent dans l’action individuelle de chacun, alors il est nécessaire de repenser sa liberté personnelle à la lumière du principe de responsabilité collective qui fait aujourd’hui trop défaut.