Disons-le d’emblée, cet article est né de la lecture d’un remarquable ouvrage de Marc-André Selosse, professeur au Muséum National d’Histoire Naturelle et spécialiste de la biologie de la symbiose[1]
Précisons aussi qu’il n’est nullement question de revenir à des considérations pseudo-scientifiques du début du XX° siècle (dont celles de l’anarchiste et scientifique russe Pierre Kropotkine) qui estimaient que le modèle coopératif, voire socialiste, était dicté par la nature. Il n’empêche qu’une observation fine et moderne permet d’enrichir notre perception de la vie de nos affaires à la lumière de la vie des autres êtres vivants.
Certes, cette notion de symbiose où deux organismes d’espèces distinctes vivent intriqués nous est familière et nous l’avons souvent en tête dans la conduite de nos coopératives. Mais allons plus loin dans l’analyse grâce à cet ouvrage vraiment précis, documenté et passionnant.
Bien que le phénomène de la symbiose concerne aussi bien des plantes que des animaux, on peut rester dans l’univers végétal qui permet de mieux en saisir la vitalité intrinsèque sans se disperser dans un foisonnement difficile à imaginer.
Une symbiose, ce sont deux organismes distincts génétiquement qui vivent intimement. Dans le monde végétal, en général une plante associée avec un champignon, la chlorophylle de la plante profite au champignon qui, lui, exploite mieux les minéraux du sol.
Un lichen est un assemblage formé d’un champignon et d’une algue, les deux se complétant et s’épaulant pour affronter des conditions difficiles et être les premiers à vivre sur des sols inertes et hostiles, volcans, rochers, toits, etc…
Quant à la luzerne et comme les autres légumineuses, elle est connue pour capter directement dans l’air ambiant l’azote qui lui est indispensable pour créer ses protéines, grâce aux filaments de champignons qui entourent ses racines. Nos vaches et nos lapins raffolent de cette luzerne qui, de plus, enrichit ainsi le sol pour les plantes suivantes. Ce ne sont que deux exemples de symbiose connus depuis longtemps, parmi des milliers.
loin d’être un cas isolé, la symbiose concerne en fait 90 % des espèces végétales ! Ce ne sont pas seulement lichens et luzerne qui vivraient une expérience atypique et riche d’enseignements mais la plupart des végétaux qui nous entourent, nous abritent et nous nourrissent. Découverte récente grâce aux outils d’analyse génomique. Le cas général d’une plante est donc qu’elle vit en association étroite avec beaucoup d’autres espèces végétales.
Le réseau indispensable à la vie sociale et à celle des affaires fonctionne sur un modèle biologique, de même que nos végétaux.
dans une symbiose et schématiquement, un champignon entoure les racines d’une plante de ses filaments 10 fois plus fins que ces racines. Il les prolonge ainsi, et prospecte donc une volume de sol 10 ou 100 fois plus vaste que ne pourrait le faire la plante, avec des capacités d’extraction des minéraux spécifiques et mieux adaptées.
En traduction dans notre monde, le réseau doit apporter une complémentarité, avec des outils ou des savoir-faire spécifiques. L’effet en est potentiellement puissant.
Les partenaires dans la symbiose se rencontrent grâce aux signaux chimiques émis dans le sol : chacun est actif et personnalisé dans cette recherche.
Il faut imaginer qu’une plante pouvant être en symbiose avec plusieurs centaines d’espèces de champignons, il s’agit de réseaux colossaux de diversité et de précision !
Autrement dit, la construction d’un réseau efficace demande du savoir-faire, du temps et de l’énergie, ainsi que des valeurs communes qui permettent l’adhésion.
Les filaments de ces champignons sont reliés aux filaments de la même espèce des autres spécimens de cette plante. Ils échangent nutriments et signaux chimiques pour mieux réagir en cas de difficulté ou d’opportunité (sécheresse, maladies, parasites, etc.). Bref, ils s’informent et s’entraident.
C’est notre réseau qui nous permet de saisir les opportunités et d’éviter les menaces car il démultiplie les sources d’information, les trie et nous en fait part. Le monde bouge et nos coopératives s’adaptent.
qui reste encore largement à documenter, ces filaments communiquent aussi avec les filaments symbiotiques de plantes d’espèces bien différentes, parfois en concurrence parfois en complémentarité. Inutile de vouloir évaluer les possibilités d’échanges au sein d’une forêt, d’une prairie ou même d’un jardin !
Pour nous aussi, la complexité de nos réseaux ne se limite pas au professionnel ni même à l’indispensable inter-coopération, mais englobe associations, famille, amis, domaines externes, etc.
un rappel utile : héberger un symbiote procure beaucoup d’avantages mais coûte de l’énergie à l’hôte car les gains sont partagés. Les échanges se limitent rarement à une seule molécule et il est difficile de dire s’il y a un gagnant. Vient donc un moment où la plante pèse l’intérêt de la symbiose avec tel champignon, quitte à changer son alliance en profitant d’une évolution génétique.
Quand une relation devient stérile, voire néfaste, il peut être vital d’en changer, et cela est aussi valable pour le petit que pour le gros. Nous devons sans cesse gérer notre réseau et le temps que nous y consacrons, sans nous éviter de choisir.
Il arrive que l’avantage procuré par le symbiote soit découvert fortuitement par la plante qui adapte ensuite ses processus biomoléculaires pour en profiter au mieux.
Laisser des opportunités au hasard des rencontres et savoir les provoquer est une qualité indispensable à notre vie coopérative.
Première découverte : loin d’être un cas isolé, la symbiose concerne en fait 90 % des espèces végétales ! Ce ne sont pas seulement lichens et luzerne qui vivraient une expérience atypique et riche d’enseignements mais la plupart des végétaux qui nous entourent, nous abritent et nous nourrissent. Découverte récente grâce aux outils d’analyse génomique. Le cas général d’une plante est donc qu’elle vit en association étroite avec beaucoup d’autres espèces végétales.
Le réseau indispensable à la vie sociale et à celle des affaires fonctionne sur un modèle biologique, de même que nos végétaux.
Deuxième découverte : dans une symbiose et schématiquement, un champignon entoure les racines d’une plante de ses filaments 10 fois plus fins que ces racines. Il les prolonge ainsi, et prospecte donc une volume de sol 10 ou 100 fois plus vaste que ne pourrait le faire la plante, avec des capacités d’extraction des minéraux spécifiques et mieux adaptées.
En traduction dans notre monde, le réseau doit apporter une complémentarité, avec des outils ou des savoir-faire spécifiques. L’effet en est potentiellement puissant.
Troisième découverte : les partenaires dans la symbiose se rencontrent grâce aux signaux chimiques émis dans le sol : chacun est actif et personnalisé dans cette recherche.
Il faut imaginer qu’une plante pouvant être en symbiose avec plusieurs centaines d’espèces de champignons, il s’agit de réseaux colossaux de diversité et de précision !
Autrement dit, la construction d’un réseau efficace demande du savoir-faire, du temps et de l’énergie, ainsi que des valeurs communes qui permettent l’adhésion.
Quatrième découverte : les filaments de ces champignons sont reliés aux filaments de la même espèce des autres spécimens de cette plante. Ils échangent nutriments et signaux chimiques pour mieux réagir en cas de difficulté ou d’opportunité (sécheresse, maladies, parasites, etc.). Bref, ils s’informent et s’entraident.
C’est notre réseau qui nous permet de saisir les opportunités et d’éviter les menaces car il démultiplie les sources d’information, les trie et nous en fait part. Le monde bouge et nos coopératives s’adaptent.
Cinquième découverte, qui reste encore largement à documenter, ces filaments communiquent aussi avec les filaments symbiotiques de plantes d’espèces bien différentes, parfois en concurrence parfois en complémentarité. Inutile de vouloir évaluer les possibilités d’échanges au sein d’une forêt, d’une prairie ou même d’un jardin !
Pour nous aussi, la complexité de nos réseaux ne se limite pas au professionnel ni même à l’indispensable inter-coopération, mais englobe associations, famille, amis, domaines externes, etc.
Sixièmement, un rappel utile : héberger un symbiote procure beaucoup d’avantages mais coûte de l’énergie à l’hôte car les gains sont partagés. Les échanges se limitent rarement à une seule molécule et il est difficile de dire s’il y a un gagnant. Vient donc un moment où la plante pèse l’intérêt de la symbiose avec tel champignon, quitte à changer son alliance en profitant d’une évolution génétique.
Quand une relation devient stérile, voire néfaste, il peut être vital d’en changer, et cela est aussi valable pour le petit que pour le gros. Nous devons sans cesse gérer notre réseau et le temps que nous y consacrons, sans nous éviter de choisir.
Septième découverte : il arrive que l’avantage procuré par le symbiote soit découvert fortuitement par la plante qui adapte ensuite ses processus biomoléculaires pour en profiter au mieux.
Laisser des opportunités au hasard des rencontres et savoir les provoquer est une qualité indispensable à notre vie coopérative.
Huitième découverte : le champignon qu’on héberge se permet lui aussi d’héberger un symbiote, en général des bactéries spécialistes d’un travail très spécialisé. De la sous-location non déclarée et pourtant utile, quoi qu’elle dégénère parfois en parasite ou en pathogène ! Mais quand les conditions sont réunies, la force de la symbiose est démultipliée. Tout n’est donc pas rose dans les relations, végétales s’entend …
Sans commentaire !
Neuvième découverte : c’est ainsi que des milieux réputés impossibles à vivre tels que le fond des océans arrivent à abriter des organismes étonnants capables de prospérer avec l’aide de bactéries hyper spécialisées qui tirent profit des moindres ressources.
Même dans des situations qu’on peut croire sans espoir, il peut y avoir des moyens de s’adapter en s’alliant avec d’autres et en adaptant nos objectifs à la situation objective.
Dixième découverte : la symbiose, végétale ou animale, en est à un tel point de richesse et de perfectionnement qu’on ne peut penser un organisme sans prendre en considération l’ensemble de son réseau symbiotique.
Parallèlement, la valeur d’une coopérative et a fortiori de ses dirigeants intègre l’efficacité de son réseau, forcément diversifié, complémentaire et bénéfique.
La conclusion est donc provisoire et partielle : si le monde végétal est capable de tant de diversité, de fonctionnement en réseau et d’adaptabilité, pourquoi nos organisations ne s’en inspireraient-elles pas pour assurer leur pérennité et leur croissance ? Chacune de ces découvertes mérite d’être relue à l’aune de la culture de nos propres affaires.
Vivre seul ? Jamais !